Ouest-France, 12 avril 2009
Dans Principe de précaution, Matthieu Jung ridiculise son héros, qui incarne à lui seul toutes les peurs de ce début de XXIe siècle. Attention, une fois entamé, le roman ne se lâche plus.
Il ne se passe rien dans la vie de Pascal Ébodoire, trentenaire un peu terne, ballotté entre son bureau parisien et son appartement de banlieue. Rien dans sa vie de trader timoré, rien dans sa vie de père de famille attentionné, rien dans sa vie de citoyen rangé.
Car il fait tout pour que rien ne vienne déranger son existence bien réglée. Il mène la danse au conseil de copropriété pour faire équiper sa résidence de caméras de surveillance ; il s’écarte de la bordure du quai au cas où un déséquilibré voudrait le pousser.
D’où vient, alors, ce furieux besoin de continuer à tourner les pages de Principe de précaution ? Sans doute de cette façon qu’a Matthieu Jung de capter l’air du temps d’une société qui voudrait éradiquer tout danger.
Car le pauvre Pascal concentre toutes les peurs qui agitent ce début de XXIe siècle un peu dingue : peur de se faire contaminer par les ondes de son ordinateur, d’être attaqué par le cholestérol, et même de se faire assassiner, comme dans ces faits divers hallucinants qui parsèment les gazettes.
Le ridicule du personnage culmine dans quelques scènes jubilatoires, comme celle où il imagine que sa femme le trompe, assis sur la cuvette des toilettes. On rit, mais l’honnêteté pousse à reconnaître que ces peurs, chacun de nous les a peu ou prou déjà éprouvées…
Après La vague à l’âme paru en 2007, Matthieu Jung sert ici un deuxième roman ironique et méchant. Variant les genres, allant d’une drolatique scène de dîner à l’invention plus vraie que nature d’un chat sur Internet, il s’achemine de façon réjouissante vers la fin surprenante de son roman.